Poèmes de Philippe Nollet

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Jardins et arabesques

Il y a des jardins où l'ombre et la lumière se confondent, se confondent à ce point où tout se ramasse et s'entortille, l'ombre sur la lumière et la lumière sur l'ombre…

Le bruit s'abrite infiniment dans une goutte effilée du silence : l'ombre et la lumière possèdent la science du silence, mais ça dépend aussi de l'espace qu'ils occupent et des dunes alentour – et avons-nous pris nos jumelles pour observer la mer ? Mais parle donc plus bas, tout ce soleil m'assourdit et ivres sont aussi toutes ces broussailles de ronces emmêlées…

Ou ce sont quelques-unes de ces furieuses rivières rugissant en s'éloignant et revenant vers nous dans une cataclysmique explosion de joie – ô paysages balayés par les premiers faisceaux de l'homme, nuits lourdes de brumes épaisses et de rires vengeurs, vents lourds eux aussi sur les faîtages aux muscles massés par la lande…

C'est quand nous descendons dans le rêve que nous mesurons mieux le chemin parcouru, nos mains pleines de sable à jeter comme de la poudre d'or et qui sans fin se donne, ces mains qui sont objectivement les nôtres, pleurent la nuit et gardent le silence le jour…

Savez-vous que je viens pour vous, dans le seul but de supprimer la charité au prix de la justice, la bienséance au nom du goût le plus sûr, la pitié en échange d'un amour sans commentaires ?...

A chaque lieu sa profondeur de solitude… Je marche et je marche et je marche et je marche et mes pas se comptent dans l'ordre des chemins suivis par la pensée, à rebours d'une foi qui préside à son achèvement, mes mots rassemblent tous les mots du langage et ma voix n'est que le reflet d'une réalité prégnante et vivace – telle est la voie de l'écriture et tel est le reflux de son origine…

Alors je reviens chaque nuit de nouveau transi de froid et de désolation sous un ciel d'étoiles vacillantes et jusqu'au petit matin dans le sillage des astres, devant moi il y a l'étendue du vide et derrière il y a l'enfance, l'enfance grelottante et pure qui fait les socles les plus sûrs d'une vie bien remplie, bien menée, étrangement semblable à ce qu'elle devait être de toute façon…

Par ordre décroissant les indigents m'ont prié de les prendre en considération et les hommes de luxe n'ont rien dit de ces palais de glace pilée où chaque âme préservée joue à l'indifférence…

Puis quelques pèlerins vinrent sous l'averse glaner aux heures ultimes de l'été des blés mûrs entre les grilles rouillées des villas désertées, brisant des chaînes imposantes et toujours solidement cadenassées, squattant quelque temps dans la beauté des ruines tandis que le futur se faisait sans eux…

Comment pourrions-nous réconcilier les fragments opposés d'une existence écartelée entre un passé hors de contact et un devenir en sursis ? J'ai la mémoire flamboyante des dieux qui m'ont précédé, me voici désormais l'égal de tous les hommes, je surgis sans mémoire, sans hésitation ni remords…

Je dis que de mon art naîtra une parole.
Je dis que de mon art naîtra une parole.
Je dis que de mon art naîtra une parole.

Et pas plus.

Philippe NOLLET

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